Accueil de l'ambassadeur du Languedoc

Les couloirs du castel manceau étaient longs et tortueux à qui ne les connaissait pas. Pour sa part, elle n'irait pas jusqu'à dire qu'ils n'avaient plus de secrets pour sa modeste personne, mais elle en connaissait suffisament pour ne plus se perdre. L'aile de l'ambassade, cependant, était une antre dans laquelle elle n'avait jamais posé les pieds.
Derrière elle, l'ambassadeur du Languedoc et ses deux gardes, qui avaient refusé de rester dans l'entrée, la suivaient dans le long couloir qui menait à la dite aile. Eloin poussa une porte, puis s'engagea dans un long couloir, et enfin poussa une autre porte, pour atterrir dans un salon d'accueil dont la table basse près du salon était garnie de faudesteuils et d'amuses-gueules disposés sur un plateau. A croire que le baron attendait quelqu'un...

Voici, excellence. Messire de Montpoupon ne devrait plus tarder, maintenant.

L'ambassadeur prit place sur un des faudesteuils, les deux gardes restant à proximité mais se faisant aussi petits que possible. Pour sa part, elle comprenait que l'homme veuille s'assurer ainsi une sécurité convenable, avec les récents évènements mainois, elle-même avait accru sa vigilance lorsqu'elle rencontrait des inconnus.
Alors qu'elle s'apprêtait à le laisser seul dans la salle, l'homme lui demanda quel était son nom. Elle resta silencieuse un instant, puis, se disant que si besoin était les gardes du castel l'avaient vu se diriger vers l'aile de la diplomatie, et sauraient donc la retrouver. Elle s'assit face au visiteur, se tenant bien droite et gardant les mains croisées dans son giron.

Je me nomme Eloin Bellecour.

Elle n'ajouta rien d'autre, ne sachant trop quoi lui dire. Discuter avec les inconnus avait toujours été pour elle difficile, on ne lui avait pas enseigné l'art de la discussion, au couvent ! Enfin, grâce à dame Izarra, elle se débrouillait mieux qu'auparavant, mais elle avait encore des progrès à faire, elle le savait...

Le compliment de l'homme la fit rougir, bien qu'elle essaya en vain de retenir la dicte rougeur. A cela non plus, elle n'était point habituée. Enfin... Soeur Marguerite lui avait dit que l'on finissait par s'habituer à tout. Dieu la garde cependant de devenir aussi blasée qu'avait pu l'être sa défente enseignante et protectrice.

Vous me flattez, messire.

Un léger sourire apparut sur ses lèvres lorsqu'elle le vit sortir de sa besace deux verres et une bouteille qui visiblement contenait autre chose que de l'eau ou de la tisane. Et elle retint l'expression malicieuse qui vint aux comissures de ses lèvres quand il lui en proposa. Il fallait ne pas être mainois pour lui proposer de l'alcool. Ou s'appeler Rasta...

C'est très aimable à vous, mais je ne bois pas. La seule bouteille de chouchen qu'une amie m'a offerte a servit à soigner une blessure !

Un faible instant de silence s'installa entre eux, puis elle reprit, un peu plus détendue qu'à l'arrivée de l'ambassadeur.

Le Languedoc est-il votre patrie d'origine, ou est-ce une terre d'adoption ?

Ha elle a rougit ....et elle sourit maintenant, serait-elle plus en confiance ? Dans tout les cas de figure Saca était content que son compliment ait fait effet (si je puis me permettre un jeu de mot aussi douteux).

Eloin refusa le verre de Saca, et l’ambassadeur trouva cela étrange...comment pouvait-on ne pas accepter un présent aussi divin que l’alcool ? Chassant cette ivrognesse pensé qui en y réfléchissant un pue n’avait pas beaucoup d’intérêt et se pencha plus sur la réponse que lui a avait donné la jeune femme.

La seule bouteille de chouchen qu'une amie m'a offerte a servit à soigner une blessure ! Avait elle dit, ainsi donc elle avait souffert et s’était refugié dans l’alcool...était ce la cause de ce malaise que Saca tentait de brisé depuis leurs rencontre ?

Durant quelque instant le silence régna, Saca avait complètement oublié les deux gardes de se délectant du nectar, les yeux a mi-caché par son verre, il observa le corsage d’Eloin et le balconnet de sa poitrine que créait son rouge affublement.

Elle était bien munie...et Saca détourna le regard ayant peur qu’elle se rende compte de cela. Nul penser perverse n’avait traversé son esprit, il n’était pas là question de succombé au péché de la chair forcé ou de désir.

C’était juste le regard qu’un homme pouvait poser sur une femme à qui il trouvait une beauté certaine. Il remonta son regard jusqu’a ses yeux, ils étaient noires et brillait sous la lumière des bougies qui éclairait la pièce.

Saca devint un peu mal à l’aise, il avait déjà vu ces yeux quelque part, comme si une vielle amie défunte avait été de retour pour l’accueillir...Enfin, Eloin brisa se silence.

-Le Languedoc est-il votre patrie d'origine, ou est-ce une terre d'adoption ?

Saca sourit et revint sur terre avec toutefois en arrière pensé cette ancienne amie...

-I’eu de Langadòc.. répondit-il naturellement en occitan, puis se rappelant que son interlocutrice ne devait guère comprendre son langue, rectifia en françoy.

-Oui je suis né là bas... Dans la chaleur d’un soleil d’été, à Narbonne plus précisément...ensuite je suis monté vivre à Lodève pour y rejoindre une....une amie.

Il avait hésité avant de dire amie et tenta de cacher toute émotion sur son noble visage et changea prestement de sujet.

-Et vous donc ? Qu’est ce qui fait que vous soyez la première à m’avoir accueillit ?

Son refus, comme elle s'y attendait, provoqua une certaine surprise chez son vis à vis. Elle ne comptait plus les fois où on l'avait regardé bizarrement lorsqu'elle refusait l'alcool qu'on pouvait lui proposer. Et lorsqu'elle se rendait en taverne, c'était juste pour voir ses amis, devant elle trônait toujours une tasse accueillant de la tisane, ou sinon de l'eau fraîche.
Si Eloin n'avait point eu la tête ailleurs en cet instant, elle aurait certainement remarqué le regard languedocien qui se posa sur son corsage, mais il n'en fut rien. Alors qu'au dehors dame Passion faisait sonner les cloches pour célébrer une nouvelle messe dans la salle des fêtes, à défaut d'avoir un curé pour animer la cathédrale, son esprit s'envolait vers l'est, vers le castel de Beaumont. Vers l'homme qu'elle aimait et dont elle était séparée depuis qu'il avait été blessé, et soigné. Il se remettait lentement, mais dame Cerridwen lui avait confié qu'il ne serait point debout avant de longues semaines. La blessure était sérieuse, et la fièvre qui avait saisi le jeune homme à son arrivée à Beaumont leur avait fait peur à toutes deux. Assister aux soins de Doby avait pour elle été normal, et Cerridwen avait eu besoin d'elle pour mener ceux-ci à bien. Depuis deux semaines à présent qu'ils étaient séparés, il lui manquait énormément. C'était comme si une partie de son coeur lui était arraché. Il faudrait qu'elle prenne le temps d'aller le voir, mais son appartenance à l'armée l'en empêchait. Au moins était-il en sécurité derrière les épaisses murailles de Beaumont...

I’eu de Langadòc..

Ces quelques mots la firent revenir brusquement à la réalité, et même si le language du Languedoc était différent de celui de Guyenne, il n'était pas difficile de comprendre ce que signifaient ce début de phrase...
Narbonne... Lodève... Ainsi lui aussi avait voyagé. L'hésitation qu'il marqua avant de dire "amie" ne lui échappa point, mais elle eut assez de tact pour ne point lui poser de plus amples questions. Chacun avait droit à ses secrets, et elle n'était pas femme à forcer les confidences.

Et vous donc ? Qu’est ce qui fait que vous soyez la première à m’avoir accueillit ?

Nouveau sourire. Elle serait bien en peine d'avancer une raison véritable, mais elle avait une petite idée sur la question.

Et bien... Disons que je vous ai vu arriver et qu'en l'absence de chambellan, les autres conseillers étant occupés à leurs propres tâches, j'étais la seule a pourvoir vous accueillir. Et puis, il n'est plus à proprement parler de chambellan dans le Maine, bien que messire Jason n'ait point totalement abbandonné sa tâche, par dévouement pour le comté et le roy.

Léger fronçement de sourcils en voyant l'ambassadeur perdre un tant soit peu son calme. Elle comprenait qu'il accuse le coup, lui qui venait de passer plusieurs jours sur les routes de France pour rencontrer un homme qui n'avait plus de fonction officielle...
Mais tout de même, elle ne servirait point de défouloir !

J'ai dit qu'il n'y avait plus de chambellan "officiel", messire. Pas que personne ne pourrait vous recevoir. Messire Jason occupe toujours sa charge, il s'est d'ailleurs luy-même surnommé "l'ambassadeur aux quarante contrées" ! Voici quelques jours, une ambassadrice a suivi le même chemin que vous et a trouvé audience et satisfaction auprès du baron, donc je ne vois pas pourquoi vous n'auriez point droit au même traitement.

Le baron de Sainte Maure arriva à point nommé, intérompant de fait une discussion qui prenait une mauvaise tournure. Eloin lui en sut mentalement gré, elle qui haïssait les disputes et autres tourments de l'âme au plus haut point. Et des disputes, elle avait déjà eu à en subir, même si elle n'en était point la cause.
Se levant de son siège, elle adressa au baron une révérence un peu maladroite, mais elle n'avait guère l'habitude d'en faire. Avec sa duchesse, un simple signe de tête suffisait, lorsqu'elles étaient en famille. Un deuxième salut tout aussi protocolaire fut adressé à l'ambassadeur du Languedoc.

Messire, je vous laisse en de bonnes mains... Au plaisir de vous revoir un jour...

Puis elle se retira alors que le baron menait l'ambassadeur dans ses locaux.

Vu pour gestion HRP